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Les carnets de Volovent

Abrégé d'histoire de la littérature portative - E. Vila-Matas

7 Novembre 2007 , Rédigé par vy Publié dans #lectures

"Le sérieux est un continent mystérieux du corps, utilisé pour cacher les défauts de l'esprit" in Tristram Shandy, de Laurence Sterne.
 
Mais ce n'est pas de Tristram Shandy dont je vais vous parler, mais de l'abrégé d'histoire de la littérature portative. Attachez vos ceintures, tout va vite dans ce petit livre, les noms surgissent, surprennent, filent, sont remplacés par d'autres, reviennent. Quatrième de couverture : Enrique Vila-Matas est un voleur de noms. 
La littérature portative ? Elle n'existe pas. Pourtant il y a les membres d'une société secrète, la "conspiration Shandy", fondée en 1924... Port-Hâtif... en Afrique... Les noms sortent du chapeau : Duchamp, Larbaud, Benjamin, Tzara, Gombrowicz, Picabia... tous les citer, le livre y passerait.
Donc "une littérature qui n'existait pas, puisque personne chez les shandys ne savait en quoi elle consistait, bien que cela fût paradoxalement la condition même de l'existence de cette sorte de littérature". Les shandys ? ce sont de joyeux travailleurs volubiles et solitaires (comprendre célibataires).
Les pages se décryptent. Vraiment ? Miniaturisation : sur dix pages du livre, l'envers d'une carte postale, pour le lecteur il est précisé que l'écriture y était minuscule, microscopique même. Ecriture minuscule, je m'étonnais de la part de Vila-Matas de ne pas encore avoir vu le nom de Robert Walser apparaître (lire Docteur Pasavento, vous comprendrez). Bingo ! page 102, il est là, et une dizaine de pages plus loin on signale la présence de Walser en personne dans la peau d'un capitaine de vaisseau haut en couleur - fallait-il qu'il soit devenu fou ? non, la folie c'était avant. Tiens donc. Toutes ces phrases qui s'entrechoquent donne un ensemble formidablement vivant, épicé, délirant, toc-toc qui sont-ils ?
Il faut savoir que le risque existe pour ces shandys car d'obscurs habitants squattent le labyrinthe intérieur des portatifs. Odradek y es-tu ?
"L'avis de Maurice Blanchot, qui consacre dans Faux Pas une brève étude au phénomène portatif..." Alors j'ai sorti mon Faux Pas, feuilleté et rien trouvé...  sinon que, sourire j'avais oublié, il est proprement annoté d'idéogrammes dans ses marges, je me souviens qu'en découvrant ces inscriptions fines et délicates je n'avais pas hésité un instant pour acheter cet exemplaire.
Et puis ceci : "l'endroit idéal pour les premières réunions secrètes : la librairie Shakespeare and Company que régentait Sylvia Beach au n°12 de la rue de l'Odéon.
Antheil habitait dans l'appartement de deux pièces qui se trouvait au-dessus de la librairie et avait coutume d'entrer chez lui par la fenêtre en escaladant shandyment la façade de l'établissement."
En lisant ceci, j'avais l'impression d'un déjà lu. Mais où ? Où parlait-on en ces termes de la librairie Shakespeare & Co ? Ah oui, voir dans Cercle : "J'ai pris une chambre à l'hôtel Cascade au-dessus de la libraire Shakespeare & Co" - Rien de plus, pourquoi donc ai-je vu un homme escalader le mur de l'hôtel pour entrer dans sa chambre dans le livre de Haenel ?
Je vous rassure je n'ai aucun odradek en moi, tout au plus un Yokai qui me tient compagnie.
Mais arrêtons-nous dans cette caverne d'Ali Baba qu'est la librairie Shakespeare & Co, y a-t-il un hôtel au-dessus ? Pour quoi faire, il y a des lits dans la librairie (1er étage). J'ai d'ailleurs connu quelqu'un qui s'y endormait dans sa jeunesse vadrouillante. Si vous ne connaissez pas ce lieu à Paris (quai face à Notre-Dame), je vous conseille d'y aller. Des livres partout, encore plus que partout, un puits avec des pièces à voeux, un escalier très très étroit et raide et incroyable, des lits comme à disposition, des murs pleins de photos d'écrivains, des dédicaces, des petits mots de gens de passage.
Mais je me disperse là... je disais donc c'est plutôt jubilatoire, cocktail d'ironie et d'écriture habile, ambiance surréaliste, éveil de curiosité, Google ne révèle rien ou pas grand chose, le secret fut bien gardé.
Lisez donc le livre de Vila-Matas, Abrégé d'histoire de littérature portative (Titres - chez Christian Bourgois)
En plus c'est parfaitement portatif.

Suite à un commentaire judicieux de Maître Po, il me faut préciser que la librairie Shakespeare & Co est actuellement située Rue de la Bucherie dans le 5ème arrondissement (du coup je joins une photo prise cet été, on aperçoit la librairie sur la droite)
(et j'ajoute un lien sur le site d'Arnaud Frich qui présente une photo panoramique impressionnante de l'intérieur de la librairie)

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Mais tous mes commentaires sont judicieux, 'vy ;-ÞBon, c'est pas tout, ça... tu es où ?
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M
A propos de Robert Walser, lire l’article  « Modestes et dociles » par François Rosset, revue vacarme 14 Hiver 2001. Extrait :  La candeur de Walser. « Il est doux d’être opprimé », et puis : « La mélancolie forme. » « Toute place a son importance... » Et la question posée au Commis : « Ou vous aimez mon mari d’un amour absolu, ou bien vous êtes absolument vil. » — Elle n’est pas simplement posée par une grande bourgeoise. Elle s’adresse à une sorte particulière de serviteur. http://www.vacarme.eu.org/article1031.html?var_recherche=walser
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T
Belle rue !
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:
la librairie Shakespeare and Company que régentait Sylvia Beach au n°12 de la rue de l'Odéon...Cette phrase a attiré mon attention, comme la moindre phrase de tes articles d'ailleurs, mais disons un peu plus que les autres ;-ÞRue de l'Odéon... La librairie mythique aurait-elle été située ailleurs que face à Notre Dame ? Après quelques recherches sur Internet, j'ai trouvé ça :http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2005/02/2_fvrier_1922_p.htmlDonc celle décrite dans le livre est l'ancêtre de celle que tu décris (avec passion) mais n'est pas au même endroit ;-)
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V
Merci pour cette rectification utile et nécessaire, Maître Po, toujours aussi finement attentif :-)