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Les carnets de Volovent

Egarement contenu

17 Octobre 2007 , Rédigé par vy Publié dans #traces

Complot, c'est un complot, un complot complice. Ces deux livres coup sur coup lus donnent des clés pour remonter quelque part dans mon arrière pays. Avant les territoires, avant Jodhra, avant maintenant. Avant l'idée était l'histoire. Faisons simple. Volodine parle de "l'eau noire" dans Nuit blanche en Balkhyrie, Fleischer parle de la femme noyée (dont il parlait déjà dans Immersion) dans L'ascenseur, et ça fait résonnance dans mes soubassements. Certes, des tas de livres ruissellent d'eau noire, des femmes se noient tous les jours dans les romans, mais là, c'est une intersection qui gratte et gagne la case souvenirs, peut-être parce que j'ai vu les noms de Volodine et Fleischer dans le même livre ? Laissez-moi réflechir...  Lionel Ruffel, oui, j'ai bien vu apparaître le nom d'Alain Fleischer dans son Volodine post-exotique (page 240 pour ceux qui me croiraient pas).
Et nous voilà déroutés vers les terres perdues qui satellisent, formant un vaste champ d'objets errants, notre mémoire floue, vagabondes auxquelles on refuse l'accès au temps présent, non qu'on veuille les oublier, bien au contraire, mais elles ne sont plus d'aujourd'hui, plus d'ici, ce sont comme de vieilles pierres de ruines classées dans nos émoluments hystériques, si j'y touche je perds la boule, le noir l'emporte et le rouge s'écoule. Suffit pourtant d'une petite décharge pour remettre en action un vieux rouage rouillé. L'effet est suffisant pour se voir contraint à fouiller dans les fichiers, mes sous-sols et greniers, malle à souvenirs labyrinthiques, fouiller à la recherche de LA page blanche d'autrefois, l'histoire abandonnée. Raphaël étant tout ce dont je ne voulais pas me séparer, une abstraction, une reconnaissance, la promesse qu'un jour j'y reviendrais à cet ami d'ailleurs, Raphaël, devenu l'homme sans nom que Sophia a remis sur les routes sous mes plus hautes instances. 
Mais j'avais oublié la femme qui se noyait dans l'eau noire.
Je croyais que c'était moi. A cause de Bruges (à cause de Rodenbach aussi), les canaux, l'attraction, l'autre côté, les histoires, les impasses, le jeu de l'obscur dans le hasard, la quête de quoi ? Je ne suis plus très certaine que quelqu'un se noyait dans mon histoire. Trop de pages s'envolaient. Ah pour ça, j'aime faire voler les pages. Poésie ou beauté (l'image du sac plastique volant au vent dans le film American beauty m'a fortement marquée), échappatoire ou bordélisme maniaque, voyez-y ce que vous voulez, j'aime aérer les pages, les mélanger, décomposer les histoires, les mettre en adéquation avec les artifices du temps, les troubles de l'espace invisible.. Raphaël rigole dans son coin : "Tu dis n'importe quoi". Ce n'était pas n'importe quoi à cette époque. Continuons. Lecture en diagonale donc, j'aimerais vous y voir, c'est plutôt effrayant de remettre une voix dans ses mots écrits en d'autres temps. Temps, écrire, souffle. On respire. Trop difficile de revenir sur les vieux mots rabougris - aimés - balancés contre les murs - aimés - semés à tout va dans la plus ingénue conscience que les arbres poussent à partir des livres - trop aimés mal aimés - tout juste sauvée je fus par l'effarante pensée que mon humble repère pouvait bientôt se transformer en paradis si je continuais sur une si défaillante lancée de. Bulle. Les yeux mi-ouverts, je les survole, je touille l'histoire, les souvenirs que j'en gardais implosent doucement, quelques mots me font le vieux coup de la séduction. Pris séparément je dis pas, c'est beau un mot, mais là, on est en pleine dissonance impromptue. Je retrouve l'amnésie déchirée de Raphaël, son oeil peint sur la toile, le bonheur des plis que je glissais partout, si c'est pas de l'amour, plis repassés aux mots, vaporisés au divin trouble des désaccords des temps. Finissons. je me la fais étoile filante sur le firmament de l'Apesanteur, une comète qui revient tous les cent ans. Je ne garde que toi mon sans nom, et tout le reste en toi, laissant flotter cette image en plan final du livre ouvert aux pages un peu moisies. C'est dire qu'elles ont vécu. Caresse au pélican. C'est dire. Repos.


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Il serait bon d'écrire quelques articles sur les livres que je viens de terminer, mais je préfère visiblement courir après les papillons. Je le ferai peut-être pour Nuit blanche en Balkhyrie, plus sûrement pour L'ascenseur. Pour Ruffel, je dois continuer mes relevés. Quant à Rodenbach. Quoi ? Vous n'avez pas encore lu Bruges-La-Morte ?
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