toc toc toc...

"Des sons qui montent, des paroles, des mots, des accents, des grondements, la terre et ses organes, le coeur quelque part, battant l'essence du temps, vibration syncopée, et l'univers un peu, des rumeurs aussi, comment les empêcher ? on les appelle pour mieux les rejeter, pour dire que c'est ce que l'on fuit, mais quelle rumeur oserait creuser ce silence inconvenant ? Ni toi ni moi ni eux, juste la valse des mots de l'un à l'autre."
Je suis déconcerté, Sophia, tu m'envoies des mots qui me paraissent venir d'un temps qui n'est pas le notre. Quel est le sens de tout cela ? J'aimerais comprendre.
Je vais te dire comment c'est ici, je vais te dire ce que tu ne verras jamais, je vais te le décrire. Il y a d'abord la pénombre qui circule doucement entre les fauteuils rouges, serrés les uns contre les autres, alignés sur une dizaine de rangs. Oui, Sophia, nous sommes dans un théâtre. C'est dans ce lieu confiné que j'ai installé mes chers pantins pour qu'ils regardent le film qui va bientôt commencer, là-bas, sur la scène, dans le petit moniteur placé sur une chaise bancale. Nous y verrons une femme qui écrit, qui pense plus qu'elle n'écrit, qui rêve je veux dire. Elle jettera un regard absent de notre côté. Et lorsqu'elle semblera s'apercevoir qu'elle n'est pas seule, son visage se détendra, elle esquissera un sourire, puis elle aura ce geste étrange, elle tendra la main vers nous, tapera un peu du doigt contre le moniteur.
Elle ne nous voit pas avec ses yeux, elle nous imagine. Que voit-elle ? Je l'ignore. Mais un jour, Sophia, il faudra que tu comprennes que nous ne sommes pas des poissons, et que nous détestons quand tu tapes sur la paroi du bocal.